Déclaration de la FNEC-FP FO 89 lors du rassemblement à la MDPH le 30 janvier

Le SNUDI-FO 89 était présent au rassemblement devant la MDPH, à l’occasion de la venue de la Secrétaire d’Etat au handicap, Mme Sophie Cluzel, le 30 janvier dernier. Voici le courrier qui lui a été remis et lu lors du rassemblement :

Madame la Secrétaire d’Etat

Je m’adresse à vous aujourd’hui au nom de la FNEC FP FO.
Nous nous permettons de vous interpeler afin de faire cesser aujourd’hui la maltraitance qui sévit dans nos établissements scolaires au sujet de l’inclusion scolaire, du fait de la loi du 11 février 2005, de la Loi Peillon de 2013 et de la récente Loi dite pour l’Ecole de la Confiance.

En octobre 2017, après sa visite en France des établissements recevant des personnes handicapées, Catalina Devandas-Aguilar, rapporteur spécial de l’ONU, exhortait le gouvernement français à fermer les établissements publics spécialisés sous le prétexte que dans ces établissements, les personnes sont isolées de la communauté et qu’elles « doivent pouvoir vivre en société ». Mais, Madame la Secrétaire d’Etat, comment peut-on décemment envisager que des élèves nécessitant des soins spécifiques bénéficient d’une prise en charge répondant à leurs besoins dans des classes de 25 à 30 élèves comprenant souvent d’autres élèves à besoins particuliers ? Comment envisager que des enseignants, seuls, non formés, puissent répondre aux besoins d’élèves nécessitant avant tout des soins, des moyens particuliers, un environnement adapté et un enseignement spécialisé ?
Madame la Secrétaire d’Etat, avez-vous déjà passé 6 h dans une classe avec un élève qui répète en boucle chacune de vos phrases, pousse des cris tellement forts et à tout bout de champ vous obligeant à vous boucher les oreilles, fait des crises de rage si violentes qu’il est nécessaire de le contenir physiquement pour empêcher qu’il ne se blesse ou blesse un de ses camarades. Avez-vous dû chaque jour pendant 6h essayé de faire classe pour 25 ou 30 autres élèves alors que l’un d’eux ne cesse de se sauver, de se rouler part terre ou de monter sur tout ce qui se trouve sur son passage ? Parce qu’elle est là la réalité de nos classes aujourd’hui avec l’inclusion scolaire systématique.

Nous sommes désolés d’aller à l’encontre de vos plans d’économie, parce que nous ne sommes pas dupes, c’est bien de cela qu’il s’agit – étant donné qu’un élève coute 7 fois moins chers lorsqu’il est pris en charge par l’école publique plutôt que par une institution spécialisée – mais les conséquences de ces lois imposant l’inclusion systématique, c’est de la maltraitance. Faut-il être sourd pour ne pas entendre que les enseignants n’en peuvent plus, que les élèves porteurs de handicaps ne peuvent être gérés de façon identique aux élèves ordinaires ? Ces élèves ont des besoins, notamment médicaux : nous exigeons le rétablissement du droit à un enseignement spécialisé pour les élèves dont la situation l’exige, décidé au cas par cas, selon la nature et le degré du handicap. Aujourd’hui, déjà, des notifications MDPH ne sont pas respectées, par manque de places dans les structures spécialisées (IME, ITEP, SEGPA, EREA, ULIS…). Qu’en sera-t-il lorsque, comme cela a été annoncé, 80% des élèves de ces structures seront scolarisés en milieu ordinaire ?

Aujourd’hui des enseignants et leurs élèves sont en souffrance dans leurs classes : l’école ordinaire est inadaptée aux élèves porteurs de certains handicaps, cela ne peut être traité de façon globale ou statistique, sans prendre en compte au cas par cas les besoins et le degré du handicap.
Dans les CHSCT, les signalements d’enseignants en souffrance se multiplient à cause de ces inclusions imposées et contraires aux décisions de la MDPH. Et pourtant l’administration ne peut leur apporter de solution. Car dans une structure spécialisée, l’élève serait pris en charge par des personnels spécialisés, avec des effectifs réduits, des moyens matériels et humains adaptés. Seulement voilà, les places manquent déjà dans ces établissements. Et le gouvernement en prévoit la fermeture progressive ?

Est-ce vous Madame la Secrétaire d’Etat qui allez expliquer aux parents que leur enfant ne peut bénéficier d’une prise en charge adaptée parce qu’il n’y a pas de place pour lui. On laisse ces élèves en souffrance dans nos classes, ils les font parfois exploser. Et plus on attend, plus leurs difficultés s’accentuent et plus il sera difficile de leur apporter de l’aide.
Elle est là la maltraitance. Non, faire le choix d’orienter des élèves en IME, en ITEP… ce n’est pas les exclure, c’est prendre en compte leur handicap, et leur donner une véritable chance de s’épanouir, de s’instruire et d’être soigné. Intégrer les personnes handicapées dans notre société, Madame la Secrétaire d’Etat, ce n’est sûrement pas être balancé dans une classe de 25 à 30 élèves sans aucune adaptation. Pourquoi existe-t-il des jeux paralympiques ? Pour exclure les athlètes handicapés ? Trouveriez-vous entendable qu’ils soient en compétition avec des sportifs valides ? Non. Les épreuves y sont adaptées. L’Ecole doit l’être aussi.
Nous vous demandons d’entendre cet appel à l’aide, Madame, et de revenir à la raison en rétablissant et en créant tous les postes, structures et établissements selon les besoins, de permettre une prise en charge adaptée du handicap afin que cesse cette souffrance, pour les élèves en situation de handicap et pour les personnes qui les entourent, élèves et enseignants. Nous demandons également le retour à une réelle formation des enseignants exerçant dans l’enseignement spécialisé.

Quant aux personnels accompagnants, dans les classes, lorsque cela a été jugé possible, les AESH, nous demandons que cesse enfin la précarité qui leur est imposée par les contrats, les salaires encore aggravés par la loi pour une Ecole de la Confiance. Ce n’est plus tenable. Ces personnels sont maltraités et ce d’autant plus depuis la mutualisation dans le cadre des PIAL et des nouveaux contrats. Ils ne veulent plus de la précarité avec un salaire de misère. En témoignent les nombreuses mobilisations qui ont eu lieu partout en France pour la reconnaissance de leur métier.
Et, pour la FNEC-FP FO, cela passe par l’intégration de tous ces personnels accompagnants dans un corps de la fonction publique d’Etat : pour un vrai statut, de vrais droits, un vrai métier, un vrai salaire.
Madame la Secrétaire d’Etat, nous souhaitons enfin nous faire entendre. Cette situation est intenable. A l’heure où les enseignants sont encore attaqués (comme tous les salariés) sur leur rémunération, par la réforme des retraites qui s’attaque à leur salaire différé ; à l’heure où les concours de recrutement des enseignants sont désertés, où le nombre de démissions explose, où les burn-out font légion, où les suicides de collègues sont la preuve du mal-être des enseignants, il est urgent d’inverser la tendance. Pour les personnels, pour les élèves, pour leur famille.

Il est temps de mettre en oeuvre une réelle prise en compte du handicap selon les besoins et contre l’inclusion scolaire systématique, de rétablir les structures, formations, postes spécialisés : entendez enfin les revendications des personnels du terrain. Ce n’est plus tenable. C’est une urgence.

Il est temps de retirer le projet de réforme des retraites par points que la grande majorité des citoyens et l’immense majorité des salariés refusent massivement. Elle est le symbole de la politique menée contre les plus faibles, les plus démunis, au profit des nantis et du monde de la finance. Nous n’en voulons pas. Nous tenons à notre modèle de protection sociale qui garantit à tous de pouvoir être soignés, instruits, de subvenir à leurs besoins quels que soient leurs revenus.
Merci.